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BOIS-SINISTRE

pour vous lever, je vous y aiderai de grand cœur.

— Le médecin ? demandai-je, étonnée. Le médecin a-t-il été appelé, pour un simple évanouissement ?

— Un simple évanouissement… murmura la servante. Bien, Mlle Marita, continua-t-elle, voulez-vous, s’il vous plaît, prendre ces remèdes ?… Aussitôt que le médecin sera arrivé…

J’ouvris la bouche pour demander si le médecin était déjà venu. Il avait dû venir, puisqu’il avait prescrit des remèdes pour moi… Mais j’étais si faible que je me contentai d’avaler la potion que m’offrait Prospérine, et presqu’aussitôt, je m’endormis.

Lorsque je m’éveillai, la lampe était allumée dans ma chambre et le docteur Foret était debout près de mon lit.

— Eh ! bien, ma chère enfant, me demanda-t-il, vous vous sentez mieux, n’est ce pas ?

— Oui, Docteur, je me sens mieux… et je désire me lever. Je veux tant revoir Mme Duverney ! sanglotai-je. Je vous en prie, laissez-moi me rendre au salon, où on a dû l’exposer !

— Pas ce soir, Mlle Marita, pas ce soir ! Soyez raisonnable et demain matin, si vous vous sentez plus forte, nous verrons ce que nous pourrons faire. En attendant, voici des remèdes que…

— Des remèdes ?… Je ne fais que cela prendre des remèdes ! dis-je d’un ton impatienté.

— Mais, Docteur, repris-je, sûrement, vous ne permettriez pas qu’on portât en terre ma chère bonne amie, la meilleure amie que j’aie eue en ce monde, sans que je puisse revoir son cher visage ! Il faut que je la voie, il le faut !… Philippe je désire lui parler sans retard !

— Philippe est sorti, pour le moment, Mlle Marita, répondit le médecin. Ne voulez-vous pas être raisonnable, pauvre enfant : c’est pour votre bien que je parle, croyez-moi… Vous êtes trop malade pour quitter votre lit ce soir ; si vous ne me croyez pas, essayez de vous lever et constatez par vous-même, votre grande faiblesse.

J’essayai de me lever. Oh ! comme j’essayai : mais j’avais la tête lourde comme du plomb, me semblait-il, et mes jambes ne pouvaient me supporter. Je retombai sur mes oreillers, à moitié évanouie.

Encore une fois, on m’administra des remèdes et je m’endormis, pour ne m’éveiller que le lendemain matin. En ouvrant les yeux, j’aperçus Mme Foret assise près du foyer de ma chambre, dans lequel brûlait un feu clair.

— Ma chérie, demanda Mme Foret en me donnant un baiser, comment vous portez-vous ce matin ?

— Mieux, beaucoup mieux, je vous remercie, Mme Foret, quoique je me sente encore très faible.

— Vous allez regagner vos forces promptement maintenant, me dit Mme Foret, avec un sourire encourageant.

— Oui, n’est-ce pas ? fis-je.

— J’en suis certaine ; mon mari m’assure que vous allez bien. Cependant, il faut être très obéissante et suivre fidèlement les conseils du médecin.

— Ô Mme Foret, m’écriai-je, vous me permettez de me lever, n’est-ce pas ; vous m’y aiderez surtout ?… Je veux me rendre au salon : il faut que je revoie une dernière foi ma bonne amie Mme Duverney !

— Chère, chère Marita, répondit Mme Foret d’une voix qui tremblait légèrement, ne comprenez-vous pas que vous avez été très malade ?…

— Je sais ! Je sais ! J’ai perdu connaissance hier matin, quand M. Philippe m’a annoncé que Mme Duverney était morte… Mais un évanouissement n’est pas une grave maladie, ni une maladie éternelle… Je veux me lever ! Il faut que je la revoie encore une fois ! Oh ! aidez-moi, chère Mme Foret !

— Enfant, me répondit-elle d’un ton grave, il faut que je vous fasse comprendre… Attendez-vous d’être très surprise et peut-être aussi fort peinée…

— Qu’est-ce donc ? demandai-je, étonnée.

— Eh ! bien, Marita, vous avez été joliment malade, vous savez ! Vous avez eu une attaque, assez légère cependant, de congestion du cerveau…

— Une attaque… de quoi ?… De congestion du cerveau ? criai-je.

— Oui, Marita, et vous ne vous êtes pas levée de votre lit, où Philippe vous a transportée, après le décès de Mme Duverney, depuis dix jours.