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BOIS-SINISTRE

être aussi malade que vous venez de me le faire entendre ! Et j’éclatai en sanglots.

— Ne pleurez pas ainsi, Mlle Marita, fit le médecin. Il vous faut être forte et courageuse, car cette pauvre Mme Duverney a besoin de soins dévoués et constants, dans l’état où elle est… Ne la laissez pas seule pour un instant… Tout de même, ayons confiance au Grand Médecin ; Il peut tout…

— Ô ciel ! Si je perdais ma bonne vieille amie… sanglotai-je.

— Je vais vous dire l’exacte vérité, chère Mlle Marita, interrompit le Docteur Foret ; il n’est que juste que vous sachiez à quoi vous en tenir… à quoi vous attendre peut-être… Mme Duverney a une forte, très forte attaque de l’influenza. Or, son cœur est faible ; elle souffre d’une sorte d’asthme cardiaque, depuis plusieurs années… Si j’étais à votre place, j’écrirais à Philippe ce soir même et je le mettrais au courant de ce qui se passe ici.

Mme Duverney a été une vraie mère pour moi, Docteur Foret, dis-je en pleurant.

— Je ferai de mon mieux pour la guérir, vous le pensez bien, chère enfant ! Et je compte beaucoup sur votre aide… Suivez fidèlement et ponctuellement mes instructions… Que Zeus aille immédiatement à la pharmacie faire remplir les prescriptions que j’ai laissées sur la table de la bibliothèque, tout à l’heure. Je reviendrai demain matin.

— Oui, n’est-ce pas, Docteur ?

— Je n’y manquerai pas. Au revoir, Mlle Marita… et n’oubliez pas d’écrire à Philippe, dès ce soir !

Donc, avant de remonter dans la chambre de Mme Duverney, où Prospérine faisait la garde à ma place, j’écrivis à M. Philippe Duverney une lettre qui, plus d’une fois, fut arrosée de mes larmes.

XIII

INQUIÉTUDES


Mme Duverney passa une assez bonne nuit.

Le lendemain, il me sembla qu’elle allait mieux beaucoup mieux même ; mais le Docteur Foret n’était certes pas de mon opinion, car, au moment de partir, après sa visite, ce matin-là, il me demanda presque brusquement :

— Avez-vous écrit à Philippe, Mlle Marita ?

— Oui, Docteur, j’ai écrit à M. Philippe. Il devrait recevoir ma lettre vers midi, car Zeus l’a mise à la poste avant la collection de neuf heures, hier soir.

— Très bien, répondit le médecin, l’air soucieux. Croyez-le, chère enfant reprit-il, il vaudrait mieux que Philippe fut ici… dans le moment !

— Vous ne pensez pas, Docteur, que Mme Duverney est plus mal, ce matin ? Elle paraît beaucoup mieux qu’hier, il me semble.

— Mieux ?… Non, pauvre enfant ; elle est infiniment pire.

C’était là une terrible nouvelle… Mme Duverney plus malade !… Mon cœur sembla cesser de battre soudain… Allais-je perdre ma bonne vieille amie ?… N’étais-je pas l’être le plus malchanceux de la terre ; ou bien, peut-être que je portais malheur à ceux que j’aimais et qui m’aimaient en retour, puisque je les voyais sous mes yeux, décliner, puis mourir ?… Ma mère d’abord était morte très jeune, me laissant orpheline à l’âge de douze ans… Puis, ç’avait été tante Marguerite… et maintenant, c’était Mme Duverney !

Oh ! Comme il me tardait de voir Philippe arriver ! Si je l’avais osé, je lui aurais envoyé une dépêche ; mais je n’osais pas… Une dépêche est une triste chose à recevoir (quand elle contient de mauvaises nouvelles, s’entend.) Non, il me fallait suivre le conseil du Docteur Foret ; il m’avait dit d’écrire, non pas de télégraphier

Mme Duverney, ainsi que je le disais plus haut, ne me paraissait pas rempirer. Elle passa une bonne journée et une nuit paisible. Tout de même, lorsque le médecin revint, le lendemain, je cherchai en vain une expression rassurante sur son visage.

Ce soir-là, une lettre de Philippe arriva ; elle était adressée à Mme Duverney et non à moi, ce qui me causa une grande déception.

— Voici une lettre pour vous, Mme Dunerney, dis-je à la malade. Elle vient de Philippe : je reconnais son écriture.

— Une lettre de Philippe ! Oh ! Lis-là moi, Marita, vite !

— Certainement, chère bonne amie !

La lettre était, je le compris immédiatement, une réponse indirecte à la mienne, car, quoique Philippe ne faisait aucune al-