Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entendre raison ! De ces deux pistolets, il y en a un qui est chargé, l’autre ne l’est pas. Choisissez-en un et tirons !

— Mais c’est un véritable assassinat, cela ! s’écria le Génevois, au comble de la terreur. Je ne suis pas préparé à me battre ainsi, je ne le veux pas !…

— Ah ! vous ne voulez pas vous battre !… Décidément, vous ne le voulez pas, répondit Lacenaire, en precant dans la main droite le pistolet chargé — qu’il ne connaissait que trop. — Une fois ?…

— Non.

— Deux fois !

— Non.

— Trois fois !

— Non ! non !

— Eh bien, j’en suis fâché pour vous !

Et, pressant la détente de l’arme, il lâcha le coup au beau milieu du visage de l’homme désarmé. Le malheureux poussa un cri navrant et porta les deux mains à sa figure ruisselante de sang ; puis, les deux bras ouverts comme un homme aveuglé par la foudre, il trébucha, tomba d’abord sur ses genoux, et enfin la face contre terre.

Il était mort.

Le meurtrier jeta froidement le pistolet fumant encore à côté du cadavre, pour laisser planer sur l’homme assassiné des soupçons de suicide, replaça soigneusement l’autre dans sa poche, regagna tranquillement son hôtel d’un air aussi calme que d’habitude, fit sa malle, et une heure ne s’était pas écoulée depuis sa sanglante expédition, qu’il filait sur la route de Genève.