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Après cette allocution véhémente, François s’assit au milieu des rumeurs de l’assemblée.

Avril donna lecture du mémoire justificatif dont nous avons parlé plus haut. Ce document ne jeta aucun jour nouveau sur le débat.

François demanda une seconde fois la parole.

« Jeudi, dit-il, lorsque j’ai comparu devant vous, je n’étais pas criminel ; je le suis aujourd’hui, car j’ai porté la mort à mon père, un vénérable vieillard, à ma mère, la meilleure des mères !… Vous êtes des négociants, messieurs, je ne citerai pas mon père ; les calomnieuses dénonciations du misérable Lacenaire l’ont déshonoré. Vous le connaissez tous : ses cheveux ont blanchi sous le poids de l’honneur et de la vertu. Lacenaire est capable de tout, messieurs ; il parle, c’est un orateur ; il vous a endoctrinés, beaucoup de vous l’applaudissent… Ah ! messieurs, je n’ai pas peur de mourir : condamnez-moi, je marcherai avec courage à l’échafaud ! — Mais lui, dix jours après, vous le verrez, il dénoncera d’autres complices ; il les dénoncera pour de l’argent ; il cherchera à prolonger sa vie. Vous verrez si je mens… Je ne demande pas grâce, messieurs ! j’invoque le poids de la justice. De mon sort, de ma vie, je m’en soucie peu, mais à mon heure suprême, je me reposerai sur la conscience mon jury. »

Ces énergiques paroles d’un homme qui avait déclaré aux débats ne savoir ni lire ni écrire, produisirent dans l’assemblée un long mouvement d’étonnement et de stu-