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sur cette terre !… Peut-être si les désirs du jeune homme se fussent accomplis, aurait-il fait l’honneur de la société, au lieu de la remplir de son épouvantable renommée !

On le lança dans le commerce ; mais cette vie de chiffres et de spéculations n’était point en harmonie avec son âme ardente et fougueuse.

Il s’engagea, fit la guerre de Morée, obtint son congé en 1829, et revint dans sa patrie.

Là, un coup terrible l’attendait. La maison de son père était fermée : il avait fait faillite et quitté la France.

Lacenaire fut atterré… ; cependant son âme énergique se roidit contre le malheur. Il chercha à utiliser ses connaissances, seul bien qui lui restât…, fit mille démarches infructeuses, se présenta chez les anciens amis de sa famille… ; mais son père avait laissé des dettes…, les portes se fermèrent devant lui. On recevait le fils du riche manufacturier, on repoussa le fils du commerçant malheureux…

Dès ce moment son âme s’aigrit et s’indigna contre la fortune ; il se demanda si un Dieu juste pouvait permettre de telles choses ; il se prit à nier l’existence de la Divinité et se créa je ne sais quel déplorable système d’athéisme et de philosophie qui ont précipité sa chute.

Cependant il n’avait point encore tout perdu… Il lui restait le cœur d’une mère, qui, du fond de l’exil, veillait sur son fils. Elle lui fit remettre par un ami fidèle une somme de cinq cents francs.

Son courage se releva.