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gnages, tant de funestes aveux, je me sens ému, je l’avoue, d’un profond sentiment de terreur.

Car, alors que de toutes parts retentissent des cris de vengeance et de mort, il me faut seul élever la voix contre tous, lutter seul contre une juste indignation, et vous faire oublier le sang des victimes pour vous faire épargner le sang du meurtrier.

Le sang du meurtrier !… C’est là, messieurs, l’expiation que l’on vous demande, et c’est cette pensée qui vient ranimer mon courage, mais sans calmer mes craintes.

Je ne vois plus dans ce procès qu’un coupable qui repousse toute défense, qu’un homme qui jette sa tête à vos pieds et qui vous dit : Prenez-la, j’ai mérité la mort… Je ne vois plus ici qu’un homme qui vous raconte avec un imperturbable sang-froid tous ses forfaits ; qui se plaît à entrer dans les plus horribles détails pour soulever vos cœurs et appeler sur sa tête une peine qu’il regarde comme la fin de ses misères…

C’est un suicide qui prend soin d’éclairer lui-même votre jugement, comme celui qui veut quitter la vie prépare avec attention l’arme fatale qui doit consommer son sinistre projet.

Je comprends, messieurs, tous les dangers de ma mission. Il faudrait un pied plus ferme que le mien pour ne pas glisser sur ce terrain tout sanglant… un bras plus nerveux pour renverser cet échafaud qui se dresse déjà…

Je n’avais, pour répondre à l’honorable confiance de la Cour, que mon zèle et mon dévoûment ; puissent-ils