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le faire déterrer comme dans l’affaire de Bastien. Si vous le jetez à l’eau, pourquoi ne le retrouverait-on pas, même coupé par petits morceaux, comme dans l’affaire Lhuissier ? La chair est précieuse… lorsqu’on en trouve, on s’informe d’où elle vient.

Lacenaire haussa les épaules en souriant et reprit :

— Vous allez voir que je sais travailler. Voici mon plan. Supposons qu’au lieu de s’enfuir comme un lâche, François eût tenu la porte, j’assassinais le garçon de banque. C’était exprès que j’avais choisi l’échéance du 31 décembre ; soit dit en passant, elle est toujours très forte. J’avais compté sur vingt-cinq mille francs, et les débats ont établi que la somme contenue dans la sacoche dépassait ce chiffre.

Je mettais donc le corps dans le panier d’osier qu’on a retrouvé, j’emballais proprement mon homme et je le faisais porter à Bercy.

— Là, vous le jetiez à l’eau, et on le repêchait…

— Écoutez donc… dit Lacenaire, si je donnais dans ces rengaines-là, il y a longtemps que je serais guillotiné.

À Bercy, je louais un bachot, sous prétexte de partie de plaisir. Je descendais la Seine… Je passais tranquillement devant la patache d’aval des gabelous. À la nuit, senlement j’arrivais à Saint-Ouen, où m’attendait Francois, dans une petite maisonnette louée à l’avance. Nous y entrions le cadavre et nous l’y faisions cuire, morceau par morceau, jusqu’à complète absorption des chairs. — Un singulier pot-au-feu, n’est-ce pas ? — Restaient les os…

— Vous les brûliez, et leur odeur vous faisait découvrir…