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ment traversa le bouchon qui lui servait de manche et blessa l’assassin à la main. Lacenaire rabattit sur la vieille femme le matelas et les couvertures, jeta son cadavre entre une ruelle formée par le lit et deux fauteuils, et fut rejoint par Avril qui venait de finir Chardon.

Ils se mirent alors à voler. L’armoire de la veuve fut ouverte à l’aide d’une pesée. Elle renfermait cinq cents francs, quatre ou cinq couverts d’argent et une cuiller à potage. Avril s’empara de l’argenterie, Lacenaire prit l’argent, une Vierge en ivoire et le propre manteau de Chardon dont il se couvrit en riant.

Ils sortirent enfin de la maison, les mains, le linge et les habits ensanglantés, se rendirent d’abord dans un café et levèrent furtivement leurs doigts dans un verre d’eau sucrée, ensuite aux bains Turcs où ils firent la lessive de leurs vêtements. Ils descendirent, après cette horrible ablution, à l’estaminet de l’Épi-Scié, situé sur le boulevard du Temple. De là Avril se détacha seul pour aller vendre l’argenterie chez un recéleur et le manteau au Temple. Il y revint trouver Lacenaire, lui rapporta deux cents francs, montant des couverts, et vingt francs prix du manteau. La Vierge en ivoire fut jetée dans la Seine. L’argent du crime ayant été partagé le soir même, les assassins dînèrent largement, burent à eux deux neuf bouteilles de vin, et allèrent finir la soirée aux Variétés. Odry jouait ce jour-là, et, dit Lacenaire, ils s’amusèrent beaucoup.

Abandonnons un moment Avril à la brutalité de ses penchants,on retrouvera son itinéraire par les débats de