Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corps ; multiplié par la vitesse de la chute, et ses griffes émoussées par l’angoisse, l’empêchaient de s’y retenir. Il allait donc infailliblement périr, lorsqu’à la hauteur du deuxième étage une main s’avança vivement, le saisit et le dispensa de continuer son périlleux voyage. Après avoir caressé l’animal, celui qui l’avait recueilli au passage le rapporta dans l’appartement d’où on avait voulu lui faire opérer cette descente sans parachute.

Le sauveur du chat était un homme jeune, à moustache frisée, vêtu avec la dernière élégance. Il portait une chemise brodée, de petites manchettes s’arrondissant sur des mains un peu maigres, une cravate noire élevée et sans col ; un habit bleu à large collet et à boutons guillochés, son gilet décolleté se fermait par un seul bouton et son pantalon, serré au mollet, s’évasait en éventail sur des bottes à bouts carrés.

— Excusez-moi de vous déranger, monsieur, je vous rapporte votre chat, dit-il à un autre jeune homme, qui s’est fait depuis une bonne position dans les Messageries, mais qui habitait alors, insoucieux et libre, un sixième étage avec sa maîtresse.

— Tenez, elle tremble encore de tous ses membres, la pauvre bête !

— Je vous remercie de votre bonté, monsieur, répondit l’autre, mais je ne vous cacherai pas que j’aurais tout autant aimé que cette affreuse bête fût restée sur le pavé.

— Ah !… Et pourquoi cela ?… Comment peut-on ainsi faire du mal à ces pauvres créatures qui sont si inoffensives, si douces, et qui nous aiment tant ?…