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tenait l’embuscade, et alla aussitôt la vendre chez un recéleur. Lacenaire, frustré dans ses espérances, se rendit chez un marchand de vin voisin du café Turc, où il avait crédit, et se mit boire pour chasser ses idées noires. Comme Avril, il logeait le diable en sa bourse, et pour se distraire, il proposa ce soir-là à un nommé N…, habitué du lieu, une partie dont l’enjeu était leur moustache réciproque. Le perdant devait prendre l’engagement de couper instantanément cet ornement martial. Au moment de battre les cartes, N… réfléchit et se dédit.

Le joueur désappointé alla se coucher plein d’ennui et de découragement. Il était si désespéré du peu de succès de ses combinaisons financières et meurtrières qu’il songea, dit-il, à se donner la mort. « Mais, ajoute-t-il avec cette emphase qui ne le quittait jamais quand il parlait de lui, je ne voulais qu’une mort éclatante et non un obscur suicide, qui n’aurait servi en rien à ma vengeance ! »

Après cette tentative malheureuse, Lacenaire jugea à propos de voyager quelque temps en province, afin de se dérober aux agents curieux ; mais il manquait d’argent. Il se rappela alors avoir fait autrefois quelques couplets dans un certain vaudeville que fit jouer Jacques Arago, et il alla faire à M. Scribe, en qualité de confrère entravé par l’intrigue et de condamné politique, une visite qui fit plus tard un bruit énorme dans le monde littéraire.

Lacenaire ne connaissait même pas le spirituel auteur et ne lui avait jamais envoyé de manuscrit, ainsi qu’on