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de Poissy se trouvait alors dans la détresse, et le comparse l’ayant mis au courant de ce qui se passait, il lui avait proposé de le remplacer dans l’expédition projetée. Bâton ne se l’était pas fait répéter deux fois. Gagner de l’argent sans se compromettre et sans jouer du couteau surtout, rien ne pouvait mieux convenir à cette nature lâche et flétrie.

De son côté, Lacenaire ne demandait pas mieux. Pouvait-il être sûr d’un pareil compagnon ?

Les deux complices allèrent donc se poster chez Coutelier. Embusqués, résolus, et l’oreille au guet, ils attendirent tranquillement leur proie, Avril en fumant, Lacenaire en affilant un tire-point destiné au meurtre.

L’homme qui devait être tué appartenait à la maison Rotchschild. Il n’arrivait pas ; le plus grand silence, au contraire, régnait dans l’escalier de la maison.

À mesure que le jour baissait, l’impatience des deux associés augmentait d’intensité, et Lacenaire, qui ne comprenait point ce retard inexplicable, plissait son front d’un air de plus en plus sombre. Enfin l’ombre s’étendit tout à fait sur la ville, les maisons s’allumèrent, et force fut aux bandits de déguerpir.

Par un hasard vraiment providentiel, le garçon de recette ayant séjourné plus qu’il ne fallait chez divers débiteurs, avait négligé de passer rue de Sartine et remis au lendemain le recouvrement de l’effet.

Avril, que rien ne pouvait soustraire à l’empire des appétits matériels, gagna une faim violente durant cette attente, et comme il n’avait pas un sou pour la satisfaire, il décrocha une paire de rideaux de l’appartement où se