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cela de fréquenter Bâton, car ce misérable faisait partie de l’Ambigu-Comique en qualité de figurant, et, par ses accointances avec lui, Lacenaire avait fini par avoir quelque accès à ce théâtre. Il aimait passionnément l’art dramatique et les artistes, comme on le sait déjà, et il réussit à faire connaissance avec plusieurs d’entre eux, particulièrement avec M. Albert, qui brillait alors au boulevard de tout l’éclat du succès.

En apparence, rien ne ressemblait moins à un malfaiteur que ce bandit ganté, et un étranger qui aurait cherché à le pénétrer aurait épuisé toutes les conjectures avant de le prendre pour ce qu’il était en réalité.

Un jour, il se trouvait à l’Ambigu, à la répétition d’une pièce nouvelle, lorsqu’un des machinistes tomba dans le troisième dessous et se fractura la jambe. M. Albert jouait un des rôles de la pièce, et, en voyant l’état du blessé, il proposa de faire une souscription en sa faveur.Cette idée fut adoptée aussitôt, et le malheureux invalide reçut des secours et quelque argent.

Lacenaire, témoin de ce bon mouvement, fit à ce sujet une pièce de vers qu’il dédia à M. Albert, et dans laquelle il célébrait la bonté de cœur, le talent et les triomphes de l’artiste. Cette épitre était signée, — et pour cause, — d’un autre nom que celui de son auteur, de celui de Gaillard, croyons-nous.

Les hommes, sans aucune exception, aiment les louanges, mais les artistes dramatiques adorent tellement l’encens que, lorsqu’ils n’en ont plus à respirer, ils s’éteignent mélancoliquement, comme des créatures privées d’air. Albert ne valait ni mieux ni moins que ses con-