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apportèrent leur butin devant un jury de filous qui se tenait chez un marchand de vins-recéleur, rue Saint-Honoré, en face de l’endroit actuellement nommé rue de Marengo, à côté du magasin des Deux-Sergents. Leborgne avait fait une bonne journée, car ses deux mains étaient pleines de montres et de bijoux, mais quand Mimi Preuil montra aux regards des juges du pari le tribut qu’il avait prélevé sur les badauds, il fut accueilli par un cri d’admiration, et d’unanimes acclamations le saluèrent vainqueur. Il avait tout simplement apporté une cuvette à moitié pleine de montres, de chaînes, de bracelets, de bagues et de cassolettes, d’une valeur de plus de cinq mille francs, car les mouvements des montres ne comptaient pas et étaient jetés dans les égouts. — Quant aux foulards, de pareils sujets ne daignaient même pas les prendre dans les poches des promeneurs, c’était pour eux chose trop facile et trop peu fructueuse surtout.

Le président de cette assemblée de coquins était le recéleur-marchand de vins. On le désignait sous le sobriquet de l’Homme-Buté, depuis un meurtre assez mystérieux commis chez lui sur un homme ivre, dont on l’accusait d’être l’auteur, sans autre preuve que sa mauvaise renommée. Cet Homme-Buté avait une si grande clientèle de voleurs, que, pour ne pas perdre un temps qui lui était sans doute plus précieux qu’à la société, il pesait leurs vols dans une balance montée dans sa cave, en payait arbitrairement les produits. Moyennant six cents francs, le lauréat dont nous avons parlé plus haut lui avait laissé sa demi-cuvette d’or.

Une autre fois, ce même Mimi n’avait apporté de huit