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Mais regardez le ciel ! il pleure en foudroyant.
Pleurez ! c’est le destin, mais chantez dans l’orage !
Plus grand est le péril, plus grand est le courage.
Soyez l’écho vengeur de l’intègre avenir !…
De trop aimer le bien je sais ce qu’il en coûte,
Mais, qu’on le veuille ou non, il faut marcher sa route.
Marchez ! luttez ! buvez dans la gloire ou l’oubli
L’austère volupté du devoir accompli !

Certes, le Mal est grand, il est puissant, il règne,
Des pouvoirs de la terre il n’est plus rien qu’il craigne ;
Le monde est son complice, et, roi prédestiné,
Trône, au nom de Satan, Claudius couronné.
Mais, si puissant qu’il soit, son règne est transitoire ;
À l’Invisible, un jour, reviendra la victoire !
Songez au Dieu caché, toujours lent à punir,
Mais dont le pied tardif à la fin va venir !
Comme le noble Hamlet que l’inconnu travaille,
D’un fatidique appel votre âme en vous tressaille.
Esprits nés pour le jour, de lumière affamés,
Précurseurs ! répandez vos espoirs enflammés !
Même à travers l’angoisse et la mélancolie,
Même au prix du bonheur, hélas ! et d’Ophélie,
Marchant à votre but, et prêts à tout souffrir,
Frappez au cœur le Mal, dussiez-vous en mourir !

Oui, plus qu’en d’autres jours, aux jours d’apostasie,
Frères, il est amer, le don de poésie !