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Le phénix éternel a dévêtu sa peau.
D’un monde qui renaît s’agitent les problèmes,
Et l’Europe s’ébranle, et les rois, faces blêmes,
Tombent à ce grand vent qui souffle de Paris,
Comme d’un arbre mort tombent des fruits pourris.
Ce tremblement subit est fait pour tout confondre ;
Sous son pied chacun sent le vieux sol qui s’effondre.
Que sera l’avenir ? Nous doit-il, ô terreurs !
Ramener du passé les tragiques horreurs ?
L’hyène des faubourgs déjà partout aboie ;
La grande ville au vent de l’épouvante ondoie ;
Le pâle citoyen regarde à l’horizon :
Le ciel est noir ; l’angoisse habite sa maison.
C’est l’inconnu qui monte, et l’esprit le plus ferme
Doute aux maux qu’en ses flancs ce vaste orage enferme
Un monde est en travail ; sur le chaos qui bout,
Chacun cherche des yeux quel sauveur est debout.
Quel bras saura dompter ou guider la tempête ?
Quel homme ? — Il s’est levé ! — Quel est-il ? — Un poète !
D’un unanime élan porté sur le pavois,
Il parle, et la tourmente obéit. À sa voix,
Croule au sein de nos murs l’échafaud politique ;
Et l’esclavage expire aux bords de l’Atlantique,
Et le droit triomphant venge un droit outragé.
D’un poids d’iniquité le monde est allégé !
L’avenir est conquis ! l’humanité respire !…
Gloire au législateur que la clémence inspire !
De la cité nouvelle il n’a rien rejeté,
Rien, — l’exil, le bourreau, l’esclavage excepté !