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Il sait trop bien ton cœur, ce cœur prompt au reproche,
Plus mobile que l’onde et plus dur que la roche ;
Pleurant le joug du Nil aux fertiles engrais,
Pour les oignons d’Égypte il connaît tes regrets ;
Il connaît ton amour pour Néron et la boue !
Va ! n’attends pas du moins que jamais il t’en loue.
Le poète sur toi ne s’est jamais mépris ;
Il a vu ce qu’ont fait tes rhéteurs et tes prêtres
Pour avilir chez toi le sang fier des ancêtres ;
Dans sa tendresse austère, il te traite en enfant :
De ses justes dégoûts sa pitié te défend !


VIII

Oui, tu peux oublier ou nier ses tendresses,
Tu le retrouveras au jour de tes détresses,
Tu le retrouveras, tel qu’il fut autrefois,
Versant pour ton salut son sang après sa voix.
Sa race est lumineuse et remplit tes annales.
Laisse aboyer l’envie aux sottises banales,
Interroge l’histoire, ô peuple ! et ton passé.
Par les déserts, son pied s’est-il jamais lassé ?
Quel cœur jamais plus vaste en ses sollicitudes
Prodigua tant d’amour à tant d’ingratitudes ?
Songe à ce bras puissant qui noya dans les mers
Pharaon et l’exil, Pharaon et les fers.