Page:Lacaussade - Poésies, t1, 1896.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ils savent être heureux imperturbablement !
Tant ils sont convaincus, saturés de largesse,
Que des dieux leur fortune atteste la sagesse.
Seulement, pour ces cœurs résignés aux bienfaits
Du ciel, les mécontents sont des esprits mal faits.
Au bord des étangs verts où sa pâture grouille,
Le héron mange ainsi gravement sa grenouille,
Et s’étonne des cris que pousse au fond des airs
L’aigle battu des vents ou brûlé des éclairs ;
Très sage, il en conclut, en savourant sa proie,
Qu’un aigle, quoi qu’on dise, a moins d’esprit qu’une oie.

Dieu juste ! et c’est donc là la vie ! Et le héron,
Le satisfait repu, l’égoïste poltron,
Insultera toujours ceux-là qui dans leur voie
S’en vont sous les éclairs où ta main les envoie !
Et ce n’est point assez des tourmentes du ciel,
Il faut boire l’outrage et l’éponge de fiel,
Et s’entendre crier par des goujats immondes
Que tout est pour le mieux dans ce meilleur des mondes !
Quoi ! leurs maux, à tout prendre, ils les ont mérités !…
Ô des biens d’ici-bas vous les déshérités,
À ces bâtards du cœur et de l’intelligence
Montrez-vous ! Produisez vos titres de naissance !
À l’astre paternel votre droit est pareil,
Poètes ! réclamez votre place au soleil.