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Mais ton œil s’est ouvert à l’âpre vérité,
Mais en face du sot, du lâche aux airs superbes,
De ta lèvre a jailli l’hymne aux mètres acerbes ;
Mais l’âge et la pensée, en mûrissant tes chants,
S’ils t’ont fait humble aux bons, t’ont fait rude aux méchants ;
Mais ton cœur, ô poète ! ô nature irascible !
Dieu ne l’a point pétri d’une argile impassible.
Les triomphes du Mal révoltent tes esprits !
Dans ton âme inflammable aux véhéments mépris
L’horreur du Mal, l’horreur de son œuvre abhorrée
Sait allumer du Bien la colère sacrée.

Adieu donc, solitude aux bois infréquentés,
Calme des jours, bonheurs, hélas ! trop peu goûtés ;
Rêves et cordes d’or de la lyre première,
Déserts peuplés d’oiseaux, de brises, de lumière !
Adieu, forêt ! lac vierge où l’âme en son vol pur
Cueillait les bleus lotus et les songes d’azur !
Adieu, printemps du cœur, aube aux clartés vermeilles,
Frais matins de la Muse aux sonores abeilles !
Adieu, miel de l’Hymette ! adieu, placidité !….
Et toi, fermente en nous, miel de virilité,
Généreuse liqueur dont l’abeille biblique
Emplissait du lion la gueule symbolique !
Dans le cœur du poète en proie aux coups du sort,
Coule, ô mâle ambroisie ! ô breuvage du fort !