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Il y roule épuisé de lutte et de vieillesse.
Dans ce dernier abri qu’un monde amer lui laisse,
Saignant, le cœur tordu, jusque dans l’âme atteint,
Sur lui-même affaissé, d’heure en heure il s’éteint,
Impassible à la haine à ses flancs incrustée,
Mort au ressentiment de sa force insultée !

Succombant à la tâche, en des champs calcinés,
Et servant de pâture aux dogues acharnés,
Ainsi le fier coursier, mort de faim et de peines,
Gît insensible aux dents de tous ces « fils de chiennes » !
La mort, soit ! mais subir leurs dents et leurs abois !
Saurais-tu donc « mourir sans vider ton carquois »,
Poète ! Ô Pythien, sur l’engeance aux poils rêches
Fais jaillir et bondir et retenir tes flèches !
Purge l’air ! montre enfin au fétide agresseur
Quelle force repose au fond de ta douceur !
Lève-toi, justicier ! et prouve à qui te blesse
Que la bonté chez toi n’est point de la faiblesse !
Fais sentir aux frelons que l’abeille a son dard !
Frappe ! Pour être juste il n’est jamais trop tard !

Il fut un âge, hélas ! où, d’accords altérées,
Tes lèvres ignoraient les rimes acérées ;
Où loin du Mal, les yeux sur tes astres secrets,
Tu n’en soupçonnais rien en tes dédains distraits ;
Mais son souffle a troublé les hautes solitudes,
Mais le temps est passé des molles quiétudes,
Mais le rêve a fait place à la réalité,