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Broutent tranquillement leurs feuilles de laitue ;
Le Juif et le marchand, putois de la cité,
Dans leurs comptoirs infects volent en sûreté ;
Et tous, bêtes et gens, race à qui rien ne pèse,
Tout cela dans ton sein, Nature ! est à son aise :
Ouvrant de larges bras à ta postérité,
Tu fus clémente à tous, au poète excepté.


II

Partiale Nature ! aigre et dure nourrice !
Aveugle est ton amour ou cruel ton caprice.
Et pourtant, si quelqu’un est digne de pitié,
C’est bien ce grand enfant, idiot à moitié,
Qui, pensif et distrait aux pièges qu’on lui dresse,
Incapable de ruse ou de mondaine adresse,
S’en va, les yeux au ciel, donner à chaque pas
Contre une terre hostile et qu’il ne comprend pas.
Pour esquiver du sort les fantasques colères,
Si du lièvre il avait, du moins, les pieds célères !
Comme le daim vaguant dans l’épaisseur des bois,
Fuyant des envieux les féroces abois,
S’il pouvait oublier la meute et ses morsures !
Pour éventrer les chiens les cerfs ont leurs ramures,
Mais les siennes, à lui, sont celles dont l’hymen
Pare les plus grands fronts d’une discrète main,