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Laissez flotter en vous le chaste souvenir.
Il ne vous dira rien, rien que ne doive entendre
Une âme au seul devoir s’immolant fière et tendre,
Qui, sous la main du sort se taisant pour souffrir,
De sa douleur du moins n’eut jamais à rougir ;
Et qui pour soi gardant sa peine et son mystère,
Dans ses blancheurs de cygne a traversé la terre.

Aujourd’hui que l’automne aux pensives tiédeurs
A de l’âge en ma veine assoupi les ardeurs,
Que les rêves fiévreux où la raison s’oublie
Ont fait place en mon âme à la mélancolie
Des soleils déclinants, des espoirs envolés ;
Comme un long crépuscule au front des bois voilés,
Le souvenir lointain de ma saison torride
Verse un jour pâle et doux sur mon présent aride ;
Et d’un regard plus calme embrassant le passé,
Je pèse en mon esprit, de tant d’efforts lassé,
Ce monde où j’ai connu moins de fleurs que d’épines.
Une voix, cependant, du sein de mes ruines
Me dit : « Console-toi ; du moins ton rêve pur
Ne t’aura pas trompé ; si ton ciel est obscur,
Porte plus haut les yeux ; l’Étoile inaccessible,
Emblème immaculé d’un amour impossible,
Brille toujours et verse à ton front attristé
Les tranquilles splendeurs de sa sérénité.
Elle t’a tout donné, te donnant sa lumière.
D’une idéale ardeur l’étincelle première
Te vint dans son rayon sur ton front descendu.