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railleries et les négations de l’homme positif ; c’est aussi la revendication du rôle civilisateur de la poésie dans l’antiquité et dans les temps modernes. À l’époque où ce poème a été publié pour la première fois, la législation en vigueur sur la presse ne permettait pas qu’il parût dans son ensemble. Les paragraphes X et XI en ont été supprimés. On y appréciait des personnages et des aventures néfastes, qui avaient alors pour eux l’indulgence complice du grand nombre et la trompeuse sanction du succès. Aujourd’hui, dans une édition définitive, on croit devoir les rétablir. Cette suppression, en effet, nuisait non seulement à l’intelligence du poème en tant qu’œuvre d’art, mais elle en mutilait la donnée historique et la portée morale, en limitant au passé une réprobation qui, dans la pensée de l’auteur, avait surtout en vue des faits contemporains. Le présent et le passé sont passibles de la même flétrissure. Il faut laisser aux hommes et aux événements leur responsabilité. La Poésie, après tout, comme l’Histoire, ne doit aux morts que la vérité.

Les actions qu’on fait ont des lèvres d’airain.

Les Études poétiques et surtout les Anacréontiques sont une halte dans le domaine paisible de l’Art. Aux heures où l’inspiration personnelle doit se taire, une excursion chez quelques lyriques étrangers est une diversion apaisante à de stériles et sourdes anxiétés. Il y a, dans tout poète un artiste qui s’impatiente de l’inaction : le style toujours lui démange comme dit Du Bellay ; il faut l’occuper et l’amuser en lui donnant a résoudre d’exquises difficultés. Parmi ces difficultés, nous rangeons volontiers les traductions en vers Doit-on traduire en vers un poète ? La tâche peu, sembler insurmontable. Si la fidélité littérale est déjà une presque impossibilité en prose, que sera-ce en poésie ? Mais on peu, j’imagine, s' inspirer d’un poète étranger, lui emprunter une idée ou un sentiment, s’en nourrir, se les approprier par un travail de patiente élaboration, et les exprimer ensuite en s’ingéniant à conserver de l’original qu’on interprète la