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Produire incessamment pour détruire sans cesse,
Travailler pour la Mort, voilà ton but certain,
O Nature ! Au profit de la noire déesse,
Tu n’es que l’instrument aveugle du Destin.

Charmé dans ses désirs par tes beautés complices,
L’être créé devient à son tour créateur ;
Et, stupide artisan de ses propres supplices,
En transmettant la vie, il transmet la douleur.

O songeur, à tes yeux tel apparut ce monde,
Un monde où les vivants, tristes jouets du sort,
Se dévorent entre eux dans leur lutte inféconde,
Et, du néant sortis, y rentrent par la mort.

La plante, l’animal, l’homme souffre et soupire ;
Dans la création où donc est la bonté ?
Voyant partout le Mal dont tout subit l’empire,
Tu conclus de son règne à la fatalité.

Fatalité, néant, destin, mots creux et vides :
Le mystère y persiste insondable et cruel.
Le problème divin dont nos cœurs sont avides,
Inexpliqué toujours, toujours reste éternel.

Le Destin ! Il énerve en nous les mâles fibres.
Que devient sous son joug l’humaine volonté ?
Non ! le Destin n’est pas le Dieu des âmes libres :
De l’homme contre lui proteste la fierté.