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O poète ! ô penseur ! vers lui tu devais tendre,
Comme l’aimant au pôle, au foyer le banni.
Il suffit de l’aimer, tu voulus le comprendre :
Le fini peut-il donc comprendre l’Infini !

A ton tour tu sondas du mal le noir problème,
Gouffre où l’âme erre et sombre et gémit sans témoins.
De l’abîme muet tu revins morne et blême,
Avec le doute en plus et l’espérance en moins.

Douter ! et notre cœur nous sollicite à croire ;
Croire ! et notre raison ne peut justifier
La foi... Des deux côtés même effort illusoire !
Affirmer n’est pas plus de l’homme que nier.

Ton lot est d’ignorer, ô pauvre intelligence !
Le mot par nous cherché peut-être est-il ailleurs...
Que faire ? — S’avouant son humaine indigence,
Attendre... avec l’espoir d’une aube aux jours meilleurs.

Toi, tu désespéras ! L’insoluble mystère
Du songeur anxieux a fait un révolté.
A voir l’œuvre du Mal dans l’homme et sur la terre,
Tu conclus de la vie à la fatalité.

La vie est-elle un bien à tant de maux en proie ?
La terre enfante autant de monstres que de fleurs.
Au prix de quels chagrins payons-nous une joie ?
Quel bonheur expierait ici-bas nos malheurs !