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Le solitaire ennui fut ta pire souffrance ;
Un idéal trop haut éblouissait tes yeux.
Le réel a tué dans ton cœur l’espérance :
Trahi par ses dieux, l’homme est plus grand que ses dieux !

Le siècle où tu naquis, le monde et la nature,
Ignorant ton désir, ignoraient ton tourment :
L’étroitesse des uns et de tous l’imposture
T’ont fait l’altier martyr de ton isolement.

Être seul, toujours seul, seul avec sa pensée,
Se nourrir de son cœur et de son cœur mourir,
Refouler dans son sein sa tendresse offensée,
O vide ! et que Dieu seul ici-bas peut remplir.

Ce Dieu, tu l’as cherché sous ses milles symboles,
Gravissant pour l’atteindre aux plus ardus sommets ;
Dans ses cultes divers, dogmes et paraboles,
Le percevant toujours, ne l’atteignant jamais !

Maître ! dans le fini l’Infini se limite ;
Il s’y montre et s’affirme, et de son unité
Dévoile à l’âme humaine où son essence habite,
Ce qu’en peut embrasser un esprit limité.

Pressentir l’Absolu, ce n’est point le connaître ;
Mais comment, s’il n’est pas, comment le pressentir ?
Si l’être le conçoit, c’est qu’il est dans cet être ;
Si l’âme aspire à lui, c’est qu’elle en dut sortir.