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Que ton chant limpide et sonore
Ouvre à mon esprit enchaîné
Ce libre azur que l’astre dore,
Nos horizons baignés d’aurore,
Le beau rivage où je suis né !

Mais non : morne, farouche, austère,
Tant que l’hiver planant au ciel
D’un blanc linceul couvrit la terre,
Sachant souffrir, sachant te taire,
Tu restas sourd à mon appel.

C’est bien, je comprends ton silence :
Quand du talon de l’étranger
Notre sol subit l’insolence,
Quand de partout ce cri s’élance :
« Sauvons la patrie en danger ! »

Quand au bruit strident des mitrailles
Qui sur nos toits pleuvent des cieux,
Se mêle, au sein de nos murailles,
Le glas sonnant les funérailles
D’un peuple trahi par ses dieux ;

Quand l’obus sème l’incendie
Et dans nos murs et dans nos champs,
Non ! ce n’est point, ô Poésie !
Ton heure à toi, l’heure choisie
Pour les rêves et pour les chants.