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Aux cœurs blessés laissons leur pénombre discrète,
Respectons le silence où leur pudeur se plaît.
Chacun porte en son sein quelque peine secrète ;
La plus âpre souvent est celle qui se tait.

Je n’ai point renié mon passé ni mon rêve !
Ce qu’une fois j’aimai, je l’aimerai toujours ;
Mais le dégoût m’a pris, mais le cœur me soulève,
Car j’ai trouvé mes dieux moins hauts que mes amours !

Je renonce à ces dieux dont je hais l’imposture.
Nul ne trahira plus mes vierges dévoûments.
Pourquoi recommencer et lécher sa torture,
Comme un chien qui retourne à ses vomissements ?

Répudions l’idole et gardons nos croyances.
Je me suis trompé d’heure, et d’autel, et de lieu !
Pour ne plus s’attarder aux lâches défaillances,
A d’ingrates erreurs disons nous-même adieu.

Brillante de fraîcheur comme une fleur mouillée,
Notre âme, à son matin, prête à tous ses candeurs.
De ses espoirs ma vie aujourd’hui dépouillée
Oppose aux coups du sort ses muettes pudeurs.

Se lamenter ! gémir ! — gémir pour qu’on nous plaigne
Ou subir résigné les maux immérités !
Non ! je n’accepte point les coups dont mon cœur saigne !
Je suis né, je mourai parmi les révoltés !