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En vain, autour de nous fleurissent les étés,
Esprits déçus, cœurs morts, il nous faut nous survivre !
A qui n’a plus l’amour que font les voluptés ?
Je bois avec horreur le vin dont je m’enivre !

Après la foi, le doute, hélas ! et le dégoût.
Plus de fleurs désormais, même au prix des épines !
De tout ce qui fut cher rien n’est resté debout :
Le désenchantement erre sur nos ruines !

Ruines sans passé, néant sans souvenir,
Ténèbres et déserts des jeunesses arides.
L’air du siècle a brûlé nos germes, l’avenir
Ne doit rien moissonner aux sillons de nos rides.

Chacun, dans le secret de ses avortements,
Sans avoir combattu médite ses défaites.
Heureux ceux qui sont nés sous des astres cléments !
Notre astre s’est couché, même avant nos prophètes.

Des désillusions l’ombre envahit les cieux.
A quoi se rattacher désormais ? à qui croire ?
Le but manque à nos pas : pèlerins soucieux,
Sans guide, nous errons dans la nuit vide et noire.

Où sont les nos dieux ? où sont les cultes immortels ?
L’art, veuf de l’idéal, s’accouple à la matière ;
L’esprit cherche, éploré, les antiques autels ;
Loi, mœurs, foi des aïeux, tout est cendre et poussière !