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invités à la fête se placent sur deux rangs pour être témoins de mes exploits. J’avais déjà balancé avec mes amis sur une perche de clôture, mais je n’étais jamais allé plus haut que les piquets. Et me voilà lancé à quarante pieds en l’air !

La peur me prit, — ou c’est moi qui l’ai prise, — je ne me rappelle pas bien ce détail ; et je crie : « Pas si haut !… Pas si haut !… Ménagez mes épingles !… »

Pour comble de malheur, j’éprouve des hauts le cœur ; je pâlis à vue d’œil, l’estomac est en feu. Une demoiselle qui ne soupçonnait pas l’état critique je me trouvais, s’écrie : « Quelle agréable sensation, n’est-ce pas ? que de voltiger comme l’hirondelle dans l’air libre, — surtout par une soirée si chaude ? » — « Si tu ne te recules pas de là, pensai-je, c’est toi qui vas l’avoir, la sensation ! »

Je crie : « Je suis malade… Arrêtez… Arrêtez !… » Mais il était trop tard. Au premier mouvement de bas en haut de la balançoire, un mélange de charlotte russe et de jujube s’éclaboussa sur le parterre. Une demoiselle s’écrie : « Oh ! ma robe de soie !… » Mais l’étrange visiteur n’épargna pas plus la soie que le crin blanc.

On met au repos mon instrument de supplice. Je descends du siège dans l’état piteux d’une malade d’hôpital. L’héroïne du jour accourt à moi, s’excuse : « Nous

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