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Pendant ce temps la conversation allait son train. Permettez-moi, mes amis, de vous raconter les questions un peu hardies auxquelles j’ai eu à répondre et auxquelles j’ai fait une réponse dont je suis maintenant content.

Un jeune homme de l’assemblée s’avisa de me demander le nom de ma dulcinée, c’est-à-dire de ma blonde, et les autres de s’écrier : « Son nom ! son nom !… Amanda ? … Dulcicora ?… Zacharina ?… » — « Mais, mesdemoiselles et messieurs, je n’ai pas de blonde, pour le sûr, pour le sûr. Je vous dis là la pure vérité. Vous demanderez à maman, si jamais vous la voyez. » — « Oui, nous demanderons à votre mère, et elle nous dira que vous créez un cercle de jalouses autour de vous. » — « A-t-elle les yeux bleus ou les yeux noirs ? » — « Sa chevelure ondulée doit rendre sa tête digne du pinceau d’un Raphaël, » — « Tiens ! vous avez son portrait ?… Je le vois placé sur votre cœur. » Je baisse la vue instinctivement et qu’aperçois-je ? Le jujube fondu par la chaleur coule sur mon habit de crin blanc et fait une tache énorme à l’endroit du cœur. J’eus envie de m’en aller, quand l’exécrable Chagnon s’écria : « C’est ce qu’on peut appeler un bec sucré. » Madame L’Heureux m’amena dans le corridor, enleva les amères fraises et tout ce qu’elle put de l’habit, puis elle me dit en souriant : « Ce

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