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Un bon matin je file à l’Industrie, aujourd’hui Joliette, mes billets de banque dans mon gousset. Quelle peur j’avais de les perdre ! Aussi, à chaque instant, je mettais la main dans la poche de mon pantalon pour m’assurer qu’ils étaient encore là. Arrivé à l’Industrie, je vis qu’il y avait foule au « marché » et dans les magasins ; mes craintes redoublèrent, et d’une main nerveuse je serrai de toutes mes forces l’ouverture de la poche de mon pantalon. J’avançais avec précaution au milieu de la foule, lorsque, tout à coup, j’entends un jeune homme me crier : « Tu l’as perdu ! » Je fis un saut de deux pieds en arrière. Le jeune imberbe s’éclata de rire et continua sa route. J’entrai dans un magasin et fis mon emplette. Mais je dus prendre un habit trop petit pour ma taille, le seul en rapport avec mon goût et surtout avec ma bourse. Je rentrai à la maison en jubilant ; j’allais donc enfin voir un roi. Quel air pouvait-il avoir ? Sans doute, il devait posséder dans la figure quelque chose de particulier pour le distinguer des simples mortels ; un air royal, quoi ! Mais qu’est-ce qu’un air royal ? Je ne le savais pas ; je ne l’ai pas appris depuis.

J’arrive donc chez nous et j’annonce à la famille que dès le lendemain je me rendais à Montréal avec la permission de mon père. Je m’étais entendu avec un voisin