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on s’en revient dégoûté, en disant : « Je ne veux plus voir le petit mouton ». L’ambitieux court après les honneurs ; dès qu’il les possède, il s’ennuie. L’avare, avec son trésor, meurt de faim. Le mondain cherche les plaisirs : il part, il court, il vole, puis dès qu’il croit avoir saisi ce qu’il entrevoyait, il s’écrie : « Oh ! moi, je n’irai plus voir le petit mouton !  ! »

Notre âme, faite pour Dieu, ne supportera sans murmure que les joies de Dieu. Celles-ci seulement sont durables ; on veut sans cesse les renouveler, notre souvenir les poursuit toujours, notre œil, l’œil de l’âme, ne cesse de les contempler, car il les voit incrustées en Dieu, resplendissantes de beauté et de fraîcheur.

Dis à tes petits enfants, chère sœur, que toute la vie n’est qu’un petit mouton qu’on veut voir et un petit mouton qu’on ne veut plus voir.

Grands et petits voient tour à tour les déceptions succéder aux espérances, la tristesse à la joie. Oh ! « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ». En Dieu seul seront nos joies. Vers Dieu seul convergeront nos désirs. Mais je vois que mon petit mouton est sorti de la bergerie et qu’il fait entendre ses bêlements du haut d’une chaire de philosophie. Avouons que c’est bien drôle pour un mouton de son âge !

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