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me de la prière. « C’est ton wendigo », dit-elle, « qui t’a apparu. » (Il faut que vous sachiez, amis lecteurs, que les sauvages payens croient qu’un mauvais génie les accompagne partout. Le missionnaire a changé le wendigo en ange gardien.) « Voilà au moins dix fois », continua-t-elle, « qu’il t’avertit pendant la nuit, qu’il va te faire mourir, et tu vis encore. Le chef Estlo nous a dit que la robe noire nous donnerait un wendigo qui nous aimerait pendant nos voyages. Continuons notre route, mon homme, et tout va bien aller. »

Ils continuèrent leur route pendant une dizaine de jours. L’étranger ne se montra pas, mais Natsipi était triste et inquiet, tandis que sa femme ramait avec un courage sans pareil et se moquait des menaces du wendigo.

Ils arrivèrent au dernier portage, et c’est ici que devait se livrer le combat final entre l’étranger, Natsipi et sa famille. Celui-ci, chargé de son canot, s’avançait lentement dans le petit sentier qui conduisait aux eaux paisibles de la rivière, quand tout à coup il fut cloué au sol par le son formidable d’une voix qui éclata comme un coup de tonnerre : « Arrête, je viens te tuer. » Natsipi jeta son canot par terre, regarda l’étranger, au teint noir et aux yeux rouges de colère, tourna sur ses talons et vint rencontrer sa femme. Celle-ci, jetant par ter-

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