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avant… » Il m’arrête aussitôt : « Je n’ai pas besoin d’explications, Monsieur le professeur. Je sais que le coupable c’est lui ; sa mère ne peut en venir à bout. Il ne peut et ne veut pas travailler à la terre. Cet ouvrage le rend malade, dit-il. Monsieur le curé m’a conseillé de le mettre ici, qu’il avait asez de talent pour réussir en étudiant bien. Maintenant il va vous demander pardon de sa grossièreté et subir la punition que vous lui imposerez ; puis je vous demande de le recevoir en classe. » Mettant sa lourde main sur l’épaule de son enfant, il l’écrase à genoux devant moi : « Demande pardon, mon fils. » L’enfant resta muet. Alors je fus témoin d’un spectacle digne de la Cour Céleste : le père tombe à genoux en me disant : « Pardonnez au fils, s’il vous plaît. » Il n’eut pas le temps de finir que sa voix fut couverte par les sanglots du fils qui cria : « Pardon, monsieur, pardon. Je veux étudier maintenant et ne plus vous faire de peine, papa. » — « Relève-toi », dis-je, « digne fils d’un noble père, et va prendre ta place en classe. » Le père, en me disant « Au revoir », prononça ces paroles qui se sont gravées bien profondément dans ma mémoire : « J’espère que mon enfant est sauvé pour le ciel ; je m’empresse d’aller annoncer cela à sa mère qui prie tant pour lui. »

Je n’ai pas besoin de vous dire, mes

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