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Je faisais la classe dans une maison d’éducation où je fus envoyé par mes supérieurs. J’enseignais les éléments de la grammaire. Le premier jour, la prière au Saint-Esprit étant faite, je voulus dire quelques mots d’encouragement à mes 24 élèves : « Mes chers amis, Dieu a arrangé les choses pour que nous passions l’année ensemble. Vos parents vous envoient dans cette pieuse maison catholique pour que vous appreniez à le bien servir d’abord, ensuite pour acquérir les connaissances nécessaires pour correspondre à la vocation que Dieu a choisie pour vous. Pour arriver à ce but il vous faudra bien prier et bien travailler. »

Alors un écolier, sans se lever, m’interrompit. Il me semble encore le voir, ce jeune enfant, les mains dans les poches, une jambe relevée sur son pupitre, la tête en arrière, le toupet menaçant, et l’entendre me dire d’un ton moqueur :

— Mais, monsieur, vous n’avez pas fait le signe de la croix avant de commencer votre sermon. Ici, le curé fait toujours le signe de la croix avant de dire : Mes frères.

Puis il se cacha la tête derrière une colonne.

— Qui donc t’a appris à être un si grand polisson à ton âge ? Assurément, ce ne sont pas tes parents, lui dis-je. Pour ta punition, viens te mettre à genoux ici.

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