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histoire naturelle

surface de l’océan, leur oreille est presque toujours plongée à deux ou trois mètres au-dessous du niveau de la mer. C’est donc par le moyen de l’eau que les vibrations sonores parviennent à leur organe acoustique ; et tout le monde sait que l’eau est un des meilleurs conducteurs de ces vibrations ; que les sons les plus foibles suivent des courans ou des masses d’eau jusqu’à des distances bien supérieures à l’espace que leur fait parcourir le fluide atmosphérique : et combien de fois, assis sur les rives d’un grand fleuve, n’ai-je pas dans ma patrie[1] entendu, de près de vingt myriamètres, des bruits, et particulièrement des coups de canon, que je n’aurois peut-être pas distingués de quatre ou cinq myriamètres, s’ils ne m’avoient été transmis que par l’air de l’atmosphère ?

Voici d’ailleurs une raison forte pour supposer dans l’oreille de la baleine franche un assez haut degré de délicatesse. Ceux qui se sont occupés d’acoustique ont pu remarquer depuis long-temps, comme moi, que les personnes dont l’organe de l’ouïe est le plus sensible, et qui reconnoissent dans un son les plus foibles nuances d’élévation, d’intensité ou de toute autre modification, ne reçoivent cependant des corps sonores que les impressions les plus confuses, lorsqu’un bruit violent, tel que celui du tambour ou d’une grosse cloche, retentit auprès d’elles. On les croiroit alors très-sourdes : elles

  1. Près d’Agen.