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des baleines.

et, la conduisant contre le colosse de l’Océan, il la contraint à fuir jusque vers les extrémités du monde.

C’est malgré lui néanmoins que l’homme a ainsi relégué la baleine. Il ne l’a pas attaquée pour l’éloigner de sa demeure, comme il en a écarté le tigre, le condor, le crocodile, et le serpent devin : il l’a combattue pour la conquérir. Mais pour la vaincre il ne s’est pas contenté d’entreprises isolées et de combats partiels : il a médité de grands préparatifs, réuni de grands moyens, concerté de grands mouvemens, combiné de grandes manœuvres ; il a fait à la baleine une véritable guerre navale ; et la poursuivant avec ses flottes jusqu’au milieu des glaces polaires, il a ensanglanté cet empire du froid, comme il avoit ensanglanté le reste de la terre ; et les cris du carnage ont retenti dans ces montagnes flottantes, dans ces solitudes profondes, dans ces asyles redoutables des brumes, du silence et de la nuit.

Cependant, avant de décrire ces terribles expéditions, connoissons mieux cette énorme baleine.

Les individus de cette espèce, que l’on rencontre à une assez grande distance du pôle arctique, ont depuis vingt jusqu’à quarante mètres de longueur. Leur circonférence, dans l’endroit le plus gros de leur tête, de leur corps ou de leur queue, n’est pas toujours dans la même proportion avec leur longueur totale. La plus grande circonférence surpassoit en effet la moitié de la longueur dans un individu de seize mètres de long ; elle n’égaloit pas cette même longueur totale dans d’autres individus longs de plus de trente mètres.