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histoire naturelle

de quelques temples gothiques ; ou plutôt il faut que nous comparions la longueur de la baleine entièrement développée, à la hauteur de ces monts qui forment les rives de tant de fleuves, lorsqu’ils ne coulent plus qu’à une petite distance de l’Océan, et particulièrement à celle des montagnes qui bordent les rivages de la Seine. En vain, par exemple, placerions-nous par la pensée une grande baleine auprès d’une des tours du principal temple de Paris ; en vain la dresserions-nous contre ce monument : un tiers de l’animal s’élèveroit au-dessus du sommet de la tour.

Long-temps ce géant des géans a exercé sur son vaste empire une domination non combattue.

Sans rival redoutable, sans besoins difficiles à satisfaire, sans appétits cruels, il régnoit paisiblement sur la surface des mers dont les vents ne bouleversoient pas les flots, ou trouvoit aisément, dans des baies entourées de rivages escarpés, un abri sûr contre les fureurs des tempêtes.

Mais le pouvoir de l’homme a tout changé pour la baleine. L’art de la navigation a détruit la sécurité, diminué le domaine, altéré la destinée du plus grand des animaux. L’homme a su lui opposer un volume égal au sien, une force égale à la sienne. Il a construit, pour ainsi dire, une montagne flottante ; il l’a animée, en quelque sorte, par son génie ; il lui a donné la résistance des bois les plus compactes ; il lui a imprimé la vîtesse des vents, qu’il a su maîtriser par ses voiles ;