Page:Lacépède - Histoire naturelle des cétacées (1804).djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
des baleines.

lui a été donné pour empire ; et en le créant, la Nature paroît avoir épuisé sa puissance merveilleuse.

Nous devons, en effet, rejeter parmi les fables l’existence de ce monstre hyperboréen, de ce redoutable habitant des mers, que des pêcheurs effrayés ont nommé kraken, et qui, long de plusieurs milliers de mètres, étendu comme un banc de sable, semblable à un amas de roches, colorant l’eau salée, attirant sa proie par le liquide abondant que répandoient ses pores, s’agitant en polype gigantesque, et relevant des bras nombreux comme autant de mâts démesurés, agissoit de même qu’un volcan soumarin, et entr’ouvroit, disoit-on, son large dos, pour engloutir, ainsi que dans un abîme, des légions de poissons et de mollusques.

Mais à la place de cette chimère, la baleine franche montre sur la surface des mers son énorme volume. Lorsque le temps ne manque pas à son développement, ses dimensions étonnent. On ne peut guère douter qu’on ne l’ait vue, à certaines époques et dans certaines mers, longue de près de cent mètres ; et dès-lors, pour avoir une idée distincte de sa grandeur, nous ne devons plus la comparer avec les plus colossaux des animaux terrestres. L’hippopotame, le rhinocéros, l’éléphant, ne peuvent pas nous servir de terme de comparaison. Nous ne trouvons pas non plus cette mesure dans ces arbres antiques dont nous admirons les cimes élevées : cette échelle est encore trop courte. Il faut que nous ayons recours à ces flèches élancées dans les airs, au-dessus