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des dauphins.

en taureau pour enlever Europe. On se représentoit la beauté craintive, mais animée par l’amour, parcourant la surface paisible des mers obéissantes, sur le dos du dauphin dieu qu’elle avoit soumis à ses charmes. Neptune a été adoré à Sunium, sous la forme de ce dauphin si cher à son amante. Le dauphin a été plus que consacré : il a été divinisé. Sa place a été marquée au rang des dieux ; et on a vu le dauphin céleste briller parmi les constellations.

Ces opinions pures ou altérées ayant régné avec plus ou moins de force dans les différentes contrées dont les fleuves roulent leurs eaux vers le grand bassin de la Méditerranée, est-il surprenant que le dauphin ait été pour tant de peuples le symbole de la mer ; qu’on ait représenté l’Amour un dauphin dans une main et des fleurs dans l’autre, pour montrer que son empire s’étend sur la terre et sur l’onde ; que le dauphin entortillé autour d’un trident ait indiqué la liberté du commerce ; que, placé autour d’un trépied, il ait désigné le collége de quinze prêtres qui desservoit à Rome le temple d’Apollon ; que, caressé par Neptune, il ait été le signe de la tranquillité des flots, et du salut des navigateurs ; que disposé autour d’une ancre, ou mis au-dessus d’un bœuf à face humaine, il ait été le signe hiéroglyphique de ce mélange de vîtesse et de lenteur dans lequel on a fait consister la prudence, et qu’il ait exprimé cette maxime favorite d’Auguste, Hâte-toi lentement, que cet empereur employoit comme devise, même dans ses