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histoire naturelle

avoit attiré, et fut porté jusqu’au port voisin par cet animal attentif, sensible et reconnoissant.

On a nommé barbares et cruels, les Thraces et les autres peuples qui donnoient la mort au dauphin.

Toujours en mouvement, il a paru parmi les habitans de l’océan, non seulement le plus rapide, mais le plus ennemi du repos ; on l’a cru l’emblème du génie qui crée, développe et conserve, parce que son activité soumet le temps, comme son immensité domine sur l’espace ; on l’a proclamé le roi de la mer.

L’attention se portant de plus en plus vers lui, il a partagé avec le cygne[1] l’honneur d’avoir suggéré la forme des premiers navires, par les proportions déliées de son corps si propre à fendre l’eau, et par la position ainsi que par la figure de ses rames si célères et si puissantes.

Son intelligence et sa sensibilité devenant chaque jour l’objet d’une admiration plus vive, on a voulu leur attribuer une origine merveilleuse : les dauphins ont été des hommes punis par la vengeance céleste, déchus de leur premier état, mais conservant des traits de leur première essence. Bientôt on a rappelé avec plus de force qu’Apollon avoit pris la figure d’un dauphin pour conduire vers les rives de Delphes sa colonie chérie. Neptune, disoit-on, s’étoit changé en dauphin pour enlever Mélantho, comme Jupiter s’étoit métamorphosé

  1. Voyez l’article du cygne par Buffon.