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histoire naturelle

Lorsque les dauphins nagent en troupe nombreuse, ils présentent souvent une sorte d’ordre : ils forment des rangs réguliers ; ils s’avancent quelquefois sur une ligne, comme disposés en ordre de bataille ; et si quelqu’un d’eux l’emporte sur les autres par sa force ou par son audace, il précède ses compagnons, parce qu’il nage avec moins de précaution et plus de vîtesse ; il paroît comme leur chef ou leur conducteur, et fréquemment il en reçoit le nom des pêcheurs ou des autres marins.

Mais les animaux de leur espèce ne sont pas les seuls êtres sensibles pour lesquels ils paroissent concevoir de l’affection ; ils se familiarisent du moins avec l’homme. Pline a écrit qu’en Barbarie, auprès de la ville de Hippo Dyarrithe, un dauphin s’avançoit sans crainte vers le rivage, venoit recevoir sa nourriture de la main de celui qui vouloit la lui donner, s’approchoit de ceux qui se baignoient, se livroit autour d’eux à divers mouvemens d’une gaieté très-vive, souffroit qu’ils montassent sur son dos, se laissoit même diriger avec docilité, et obéissoit avec autant de célérité que de précision[1]. Quelque exagération qu’il y ait dans ces faits, et quand même on ne devroit supposer, dans le penchant qui entraîne souvent les dauphins autour des vaisseaux, que le désir d’appaiser avec plus de facilité une faim quelquefois très-pressante, on ne peut pas douter qu’ils

  1. Pline, liv. IX, chap. 48.