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des dauphins.

silence d’une nuit paisible, dans ces momens de calme et de mélancolie où la méditation et de tendres souvenirs donnent tant de force à tout ce que son ame éprouve, il laisse errer sa pensée de la terre vers le ciel, et qu’il lève les veux vers la voûte éthérée, il voit encore cette même image du dauphin briller parmi les étoiles.

Cet objet cependant, si propre à séduire l’imagination de l’homme, est en partie l’ouvrage de cette imagination : elle l’a créé pour les arts et pour le firmament. Mais ce n’est pas la terreur qui lui a donné un nouvel être, comme elle a enfanté le redoutable dragon, la terrible chimère, et tant de monstres fantastiques, l’effroi de l’enfance, de la foiblesse et de la crédulité ; c’est la reconnoissance qui lui a donné une nouvelle vie. Aussi n’a-t-elle fait que l’embellir, le rendre plus aimable, le diviniser pour des bienfaits, et montrer dans toute sa force et dans toute sa pureté l’influence de cet esprit des Grecs, pour lesquels la Nature étoit si riante, pour lesquels et la terre et les airs, et la mer et les fleuves, et les monts couverts de bois, et les vallons fleuris, se peuploient de jeux voluptueux, de plaisirs variés, de divinités indulgentes, d’amours inspirateurs. Le génie d’Odin ou celui d’Ossian ne l’ont pas conçu au milieu des noirs frimas des contrées polaires ; et si le dauphin de la Nature appartient à tous les climats, celui des poètes n’appartient qu’à la Grèce.

Mais, avant de nous transporter sur ces rivages