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sant à des armes redoutables les deux élémens de la force, la masse et la vîtesse, avide de carnage, ennemi audacieux, combattant intrépide, quelle plage de l’océan n’ensanglante-t-il pas ? On diroit que les anciens mythologues l’avoient sous les yeux, lorsqu’ils ont créé le monstre marin dont Persée délivra la belle Andromède qu’il alloit dévorer, et celui dont l’aspect horrible épouvanta les coursiers du malheureux Hippolyte. On croiroit aussi que l’image effrayante de ce cétacée a inspiré au génie poétique de l’Arioste cette admirable description de l’orque, dont Angélique, enchaînée sur un rocher, alloit être la proie près des rivages de la Bretagne. Lorsqu’il nous montre cette masse énorme qui s’agite, cette tête démesurée qu’arment des dents terribles, il semble retracer les principaux traits du microps. Mais détournons nos yeux des images enchanteresses et fantastiques dont les savantes allégories des philosophes, les conceptions sublimes des anciens poètes, et la divine imagination des poètes récens, ont voulu, pour ainsi dire, couvrir la Nature entière ; écartons ces voiles dont la fable a orné la vérité. Contemplons ces tableaux impérissables que nous a laissés le grand peintre qui fit l’ornement du siècle de Vespasien. Ne serons-nous pas tentés de retrouver les physétères que nous allons décrire, dans ces orques[1]

  1. Nous avons vu à l’article de la baleinoptère rorqual, que la note de Daléchamp sur le sixième chapitre du neuvième livre de Pline se rapportoit à cette baleinoptère ; mais l’orque du naturaliste de Rome ne peut pas être ce même cétacée.