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des narwals.

On emploie la défense, ou, si on l’aime mieux, l’ivoire du narwal, aux mêmes usages que l’ivoire de l’éléphant, et même avec plus d’avantage, parce que, plus dur et plus compacte, il reçoit un plus beau poli, et ne jaunit pas aussi promptement. Les Groenlandois en font des flèches pour leurs chasses, et des pieux pour leurs cabanes. Les rois de Danemarck ont eu, dit-on, et ont peut-être encore, dans le château de Rosenberg, un trône composé de défenses de narwals. Quant aux prétendues propriétés de cet ivoire contre les poisons et les maladies pestilentielles, on ne trouvera que trop de détails à ce sujet dans Bartholin, dans Wormius, dans Tulpius, etc. Mais comment n’auroit-on pas attribué des qualités extraordinaires à des défenses rares, d’une forme singulière, d’une substance assez belle, qu’on apportoit de très-loin, que l’on n’obtenoit qu’en bravant de grands dangers, et qu’on avoit pendant long-temps regardées comme l’arme toute puissante d’un animal aussi merveilleux que la fameuse licorne ?

En écartant cependant toutes ces erreurs, quel résultat général peut-on tirer de la considération des organes et des habitudes du narwal ? Cet éléphant de la mer, si supérieur à celui de la terre par sa masse, sa vîtesse, sa force, et son égal par ses armes, lui est-il comparable par son industrie et son instinct ? Non : il n’a pas reçu cette trompe longue et flexible ; cette main souple, déliée et délicate ; ce siége unique de deux sens exquis, de l’odorat qui donne des sensations