craindre le narwal ? Non seulement avec ses dents il fait des blessures mortelles, mais il atteint son ennemi d’assez loin pour n’avoir point à redouter ses armes. Il fait pénétrer l’extrémité de sa défense jusqu’au cœur de cet ennemi, pendant que sa tête en est encore éloignée de trois ou quatre mètres. Il redouble ses coups ; il le perce, il le déchire, il lui arrache la vie, toujours hors de portée, toujours préservé de toute atteinte, toujours garanti par la distance. D’ailleurs, au lieu d’être réduit à frapper ses victimes, il en est qu’il écarte, soulève, enlève, lance avec ses dents, comme le bœuf avec ses cornes, le cerf avec ses bois, l’éléphant avec ses défenses.
Mais ordinairement, au lieu d’assouvir sa rage ou sa vengeance, au lieu de défendre sa vie contre les requins, les autres grands squales et les divers tyrans des mers, le narwal, ne cédant qu’au besoin de la faim, ne cherche qu’une proie facile : il aime, parmi les mollusques, ceux que l’on a nommés planorbes ; il paroît préférer, parmi les poissons, les pleuronectes pôles. On trouve dans Willughby, dans Worm, dans Klein, et dans quelques autres auteurs qui ont recueilli diverses opinions relatives à ce cétacée, qu’il n’est pas rebuté par les cadavres des habitans des mers, que ces restes peuvent lui convenir, qu’il les recherche comme alimens, et que le mot narwhal vient de whal, qui veut dire baleine, et de nar, qui, dans plusieurs langues du Nord, signifie cadavre.