Page:Lacépède - Histoire naturelle des cétacées (1804).djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
histoire naturelle

la briser, la faire voler en éclats, percer le bord des navires avec leur défense, les détruire ou les couler à fond[1]. On a trouvé de leurs longues dents enfoncées très-avant dans la carène d’un vaisseau par la violence du choc, qui les avoit ensuite cassées plus ou moins près de leur base. Ces mêmes armes ont été également vues profondément plantées dans le corps de baleines franches. Ce n’est pas que nous pensions, avec quelques naturalistes, que les narwals aient une sorte de haine naturelle contre ces baleines : mais on a écrit qu’ils étoient très-avides de la langue de ces cétacées, comme les dauphins gladiateurs ; qu’ils la dévoroient avec avidité, lorsque la mort ou la foiblesse de ces baleines leur permettoient de l’arracher sans danger. Et d’ailleurs, tant de causes peuvent allumer une ardeur passagère et une fureur aveugle contre toute espèce d’obstacles, même contre le plus irrésistible et contre l’animal le plus dangereux, dans un être moins grand, moins fort sans doute que la baleine franche, mais très-vif, très-agile, et armé d’une pique meurtrière ! Comment cette lance si pointue, si longue, si droite, si dure, n’entreroit-elle pas assez avant dans le corps de la baleine pour y rester fortement attachée ?

Et dès-lors, quel habitant des mers pourroit ne pas

  1. Auctor de natura rerum, apud Vincentium. XVII, cap. 120.
    Albertus, XXIV, p. 244 a.
    Voyez l’ouvrage du savant Schneider qui a pour titre, Petri Arteti Synonymia, etc. Lipsiæ, 1789.