Page:Lacépède - Histoire naturelle des cétacées (1804).djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
histoire naturelle

les blocs de glace dans lesquels ils se trouvent engagés, ont brisé une défense encore trop fragile, comprimé, déformé, désorganisé l’alvéole au point d’y tarir les sources de la production de la dent. Souvent alors la matière osseuse, qui n’éprouve plus d’obstacle, ou qui a été déviée, obstrue cet alvéole ; et la lèvre supérieure s’étendant sur une ouverture dont rien ne la repousse, la voile et la dérobe tout-à-fait à la vue.

Nous avons une preuve de ces faits dans un phénomène analogue, présenté par un individu de l’espèce de l’éléphant, dont les défenses ont tant de rapports avec celles du narwal. On peut voir dans la riche collection d’anatomie comparée du Muséum national d’histoire naturelle, le squelette d’un éléphant mâle, mort il y a deux ans dans ce Muséum. Que l’on examine cette belle préparation, que nous devons, ainsi que tant d’autres, aux soins de mon savant collègue le citoyen Cuvier. On ne verra de défense que du côté gauche de la mâchoire supérieure, et l’alvéole de la défense droite est oblitéré. Cependant non seulement tout le monde sait que les éléphans ont deux défenses, mais encore l’individu mort dans la ménagerie du Muséum en avoit deux lorsqu’on l’a fait partir du château de Loo en Hollande, pour l’amener à Paris. C’est pendant son voyage, et en s’efforçant de sortir d’une grande et forte caisse de bois dans laquelle on l’avoit fait entrer pour le transporter, qu’il cassa sa défense droite. Il avoit alors près de quatorze ans, et il n’a vécu que cinq ans depuis cet accident.