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la femelle et le fruit de son union avec le mâle, a dû ajouter encore à cet instinct que nous reconnoîtrons dans ces animaux, ennoblir en quelque sorte sa nature, le métamorphoser en intelligence. Et si nous cherchons en vain dans les actions des cétacées, des effets de cette industrie que l’on croiroit devoir regarder comme la compagne nécessaire de l’intelligence et de la sensibilité, c’est que les cétacées n’ont pas besoin, par exemple, comme les castors, de construire des digues pour arrêter des courans d’eau trop fugitifs, d’élever des huttes pour s’y garantir des rigueurs du froid, de rassembler dans des habitations destinées pour l’hiver une nourriture qu’ils ne pourroient se procurer avec facilité que pendant la belle saison : l’océan leur fournit, à chaque instant, dans ses profondeurs, les asyles qu’ils peuvent désirer contre les intempéries des saisons, et, dans les poissons et les mollusques dont il est peuplé, une proie aussi abondante qu’analogue à leur nature.

Cette habitude, ce besoin de se réunir en troupes nombreuses, a dû naître particulièrement de la grande sensibilité des femelles. Leur affection pour les petits auxquels elles ont donné le jour, ne leur permet pas de les perdre de vue, tant qu’ils ont besoin de leurs soins, de leurs secours, de leur protection. Les jeunes cétacées ne peuvent se passer d’une association qui leur a été et si utile et si douce : ils ne s’éloignent ni de leur mère, ni de leur père, qui n’abandonne pas sa compagne. Lorsqu’ils forment des unions plus particu-