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pointues, si propres à la défense et à l’attaque. Tous deux ont une grande masse, un grand volume, des muscles vigoureux, une peau épaisse. Mais les résultats de leur conformation sont bien différens : l’un, très-doux par caractère, n’use de ses armes que pour se défendre, ne repousse que ceux qui le provoquent, ne perce que ceux qui l’attaquent, n’écrase que ceux qui lui résistent, ne poursuit et n’immole que ceux qui l’irritent ; l’autre, impatient, pour ainsi dire, de toute supériorité, se précipite sur tout ce qui lui fait ombrage, se jette en furieux contre l’obstacle le plus insensible, affronte la puissance, brave le danger, recherche le carnage, attaque sans provocation, combat sans rivalité, et tue sans besoin.

Et ce qui est très-remarquable, c’est que l’éléphant vit au milieu d’une atmosphère perpétuellement embrasée par les rayons ardens du soleil des tropiques, et que le narwal habite au milieu des glaces de l’Océan polaire, dans cet empire éternel du froid, que la moitié de l’année voit envahi par les ténèbres.

Mais l’éléphant ne peut se nourrir que de végétaux ; le narwal a besoin d’une proie ; et dès-lors tout est expliqué.

On n’a compté jusqu’à présent qu’une ou deux espèces de ces narwals munis de défenses comparables à celles de l’éléphant ; mais nous croyons devoir en distinguer trois. Deux sur-tout sont séparées l’une de l’autre par de grandes diversités dans les formes,